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Ramuntcho Matta
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Lizières

Event

Rentrer-Dehors: Marjorie Méa

4 September 2022 — À partir de 11h
with Marjorie Méa Gilles Clément - Jardiner, Artiste, Paysagiste Caroline Grosjean - Chorégraphe Lucien Huart - Musicien Pierre-Alain Huart - Plasticien

Lorsque Marjorie Méa s’est installée en Creuse il y a dix ans, pour y poursuivre sa démarche d’artiste plasticienne, une idée l’habitait : devenir paysage.

Et puis comme souvent, la fréquentation de la nature la mena vers des chemins qu’elle ne soupçonnait pas.

“Je me suis aperçue que le paysage était plein de creux, de failles et de dénivelés, raconte-t-elle. Ces anfractuosités, lorsque je les voyais en moi, je ne les aimais pas. Vivre le paysage m’a permis de me réconcilier avec l’être de nature que je suis, ses failles, ses creux. Au lieu de continuer à masquer, à déguiser, j’ai compris qu’il fallait que je fasse acte d’humilité. Je n’avais pas à “devenir” paysage : je l’étais déjà. Il n’y avait pas d’un côté moi et de l’autre le paysage. Tout cela est d’une grande porosité. Il n’y a rien à ouvrager : juste à “rentrer dehors”. Je suis ce jardin planétaire qui m’habite et que j’habite, le plus humblement – et le plus joliment – possible.”

Cette notion, elle l’a fait vivre en elle jusqu’à avoir envie de la partager. “Transmettre l’émotion que suscite en soi la nature n’est pas simple, constate-t-elle. Dire “c’est beau” ne suffit pas. Pour qu’il se passe quelque chose, il faut parvenir à donner à ressentir la poésie de la nature. Comment opérer cette transmission ? Comment faire partager cette sensibilité, ce respect ? Je me suis dit qu’il fallait que je mette en espace ce “rentrer dehors”.”

Ainsi est née l’installation qu’elle a imaginée pour Lizières.

Dans ton œuvre, tout part d’un geste très simple, très humble…

Je ne suis ni philosophe ni naturaliste. Ma façon à moi d’aller chercher dans la poésie de la nature ce petit dénominateur commun qui est ce “je, jardin planétaire” qui vit en chacun, c’est de partir de la toute petite goutte de ma propre humanité. Quand on crée, on est dans le corps, dans le geste, dans l’élan ; on est à l’intérieur. Ce geste, je l’ai voulu à la fois d’une grande simplicité, et porteur d’une intention forte : celle de la présence. Je suis partie d’un geste très petit, très humble, au crayon à papier. De cette façon, j’ai aussi souhaité me rapprocher du temps de la nature. Quand l’arbre pousse, son temps n’a rien à voir avec le nôtre. Par la concentration, par la modestie du geste, j’ai tâché de traduire ce temps – non pour attirer l’attention sur le labeur, mais pour en faire ressentir la beauté et la profondeur.

L’eau joue aussi un rôle fondateur dans ton travail…

Je débute toujours par un geste primitif, un geste d’eau : mettre sur une page un peu d’eau, liquide invisible, puis éprouver la magie de sa rencontre avec l’encre… Depuis les origines, il y a toujours la même quantité d’eau sur la Terre. “L’eau que tu bois a déjà été bue”, rappelle le jardinier et paysagiste Gilles Clément. “L’eau que tu vois a déjà connu la mer”, écrivait le poète Guillevic. L’eau est essentielle au corps humain, à la graine qui germe, au dessin qui jaillit. Par mon travail, j’ai envie de participer à réveiller cette mémoire et cette écoute de l’eau en nous. A Lizières, j’ai utilisé une eau pauvre teintée de rouille, de café, afin d’explorer ce que nous faisons de nos eaux sales, et tout ce dont on se “lave les mains”…

Au départ, ton souhait était de créer dans le plus grand silence…

Je m’étais dit en effet que pour me mettre à l’écoute de la mémoire de l’eau en moi, j’allais faire silence durant la réalisation de l’œuvre. Mais très vite, je me suis aperçue que cela n’avait pas de sens. Lizières est un lieu riche de rencontres. Rester silencieuse dans un tel environnement aurait créé une bulle artificielle entre intérieur et extérieur. Il était plus intéressant d’échanger, de recevoir et de transmettre que de se taire ! L’œuvre est donc née dans le recueillement et l’écoute, mais pas dans la solitude. Le photographe Pierre-Alain Huart, la chorégraphe Caroline Grosjean et le musicien Lucien Huart y ont participé. Je ne leur ai donné aucune directive : mon envie était simplement de partager avec eux un espace sur le thème “poésie de la nature, nature de la poésie” – avec la certitude que nous possédions un langage commun et que quelque chose se passerait. Et ce fut le cas : Pierre-Alain a créé une série d’images où s’entremêlent le dedans et le dehors. Caroline a imaginé des mouvements à partir de verbes d’action simples et forts, comme marcher, cheminer, se blottir, rencontrer…

Et une ritournelle chante la mémoire de ta création !

Alors que j’étais concentrée sur la réalisation d’un geste petit, modeste, il se passait à Lizières des tas de choses en moi et autour de moi. J’entendais le portail chanter, je me demandais où était le chien, quel était le chemin. Cette question, elle nous préoccupe tous. Elle tournait en moi comme une ritournelle. Etais-je en train de m’égarer, ou simplement de me promener ? Les gens allaient s’inquiéter, se mettre à me chercher… Mais je pouvais faire le choix de leur laisser leur inquiétude. “Je ne me perds pas, je me promène”…. Toutes ces strates, jaillies d’une extrême porosité entre moi et le paysage, sont devenues la poésie du moment. Avec Lucien Huart et Ramuntcho Matta, nous en avons fait un enregistrement sonore, constitué des tout petits fragments de phrases qui se chantaient à l’intérieur de moi dans ces instants-là, au gré de tel geste ou de telle intention.

L’œuvre, au final, sera une immersion…

Très vite, j’ai su qu’elle prendrait la forme d’une installation dans la cabane de Lizières. Cette cabane, posée au milieu des arbres comme atterrie de nulle part, je la perçois comme une boîte. Or la boîte fait partie de mon langage graphique : pour moi, elle représente une case de mémoire. En proposant aux gens d’entrer dans la cabane, je leur donne à voir et à vivre une mémoire. Laquelle surgira ? C’est ça l’enthousiasme : on ne peut le prévoir ! Ce sera la révélation. Tout va passer dans le partage du moment, avec ceux qui seront là.

Réservations : http://www.helloasso.com/…/evenements/rentrer-dehors

Propos recueillis par Réjane Ereau

Rentrer-Dehors: Marjorie Méa — Lizières
 

Rentrer-Dehors: Marjorie Méa — Lizières
 

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